Page 6 - Journal Culturel de Metz - 2014-09
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Léonard I Limosin : peintre, émailleur, dessinateur et graveur français du XVI siècle
Ulysse, roi d'Ithaque, l'un des héros de la guerre de Troie.
Identifié par une inscription en lettres d'or, cette plaque de 34 x 21 cm
en émail polychrome peint sur cuivre a été réalisée vers 1564.
Elle appartient à un ensemble désormais dispersé qui pourrait provenir du décor
composé de 32 plaques du cabinet des émaux de Catherine de Médicis (1519-1589),
à l'Hôtel de Soissons (Paris), aménagé autour de 1570.
Témoignant de l'influence de la culture humaniste sur les arts décoratifs
de la Renaissance française, ces émaux prennent directement leur source
dans les Héroïdes, poème d'Ovide qui retrace, par le biais d’un échange
de lettres fictives, les amours tragiques des héros et héroïnes de l’Antiquité.
Sur les 17 plaques émaillées de cet ensemble répertoriées à ce jour,
12 sont conservées dans les collections publiques françaises
et 4 déjà présentées au Musée National de la Renaissance du Château d'Ecouen.
ème
(Galerie des Arts du feu – 2 étage – importante collection d'émaux peints)
Léonard 1 Limosin (Limoge 1505 - décédé entre 1575 et 1577) : il commence sa carrière en copiant des estampes (gravures) d'origine étrangère.
Il puise à la fois dans le répertoire de la "Grande Passion" et de la "Petite Passion" d'Albrecht Dürer (1471-1528, peintre allemand, graveur, théoricien de l'art
et de la géométrie), toutes deux gravées sur bois. Ce faisant, il n'est que l'un des vecteurs, parmi bien d'autres, de la très grande diffusion de ces gravures en Europe.
On peut évaluer à 1840 émaux qu'il signe et date entre les années 1532 et 1574. Ce n'est pas seulement leur nombre qui fait la célébrité du peintre, mais leur qualité
et leur variété en général. Avec une grande hardiesse et une grande habileté, il use de tous les procédés jusque-là connus dans l'art de l'émailleur ;
il les unit souvent avec bonheur dans une même composition. L'effet de ces émaux est claire, éclatant, harmonieux. Léonard emploie tous les coloris,
depuis les bleus vifs qui dominent dans ses œuvres sur les verts et les pourpres, jusqu'aux grisailles sur noir et sur bleu, savamment recouvertes d'un glacis violet
ou bleuâtre. Aucun émailleur ne manie mieux que lui la pointe dans les ombres, ni obtenu un modelé aussi parfait par hachure ou pointillé.
Parfois il dessine seulement ses sujets en bistre, au pinceau, sur un fond d'émail blanc, et se contente de glacer le tout en émaux colorés du côté de l'ombre.
Il sait choisir ses couleurs suivant la nature des fonds, et ménage des transitions entre les tons les plus vifs et les ombres les plus intenses. Son dessin, influencé
par l'école de Fontainebleau, témoigne d'une grande exagération dans l'allongement des formes. On croit que la plupart de ses émaux sont exécutés
sur des dessins qui lui sont fournis par des peintres, Nicolò dell'Abbate (1509/12-1571, peintre italien de la Renaissance tardive)
et Etienne Delaune (1518/19-1583, orfèvre, médailleur et graveur français) en particulier.
Reliure d'un livre d'Etienne Roffet, édité à Lyon
France – XVIème siècle (1564) - Reliure en maroquin des "Commentaires" de Jules César
édité à Lyon par Sébastien Gryphe et réalisée en 1538 ; par Etienne Roffet.
Musée de la Renaissance du château d'Ecouen : Bibliothèque du Connétable (3 ème étage)
Maroquin : peau de chèvre teinte ayant conservé son grain naturel, large et irrégulier.
Cuir de bouc ou de chèvre, traité au tanin de chêne Kermès, qui abrite aussi la cochenille dont
l'utilisation en teinture donnait à cette peau préparée à l'orientale sa couleur rouge originelle.
Etienne Roffet, dit "Le Faulcheur", succède à son père Pierre, comme relieur français,
er
avec la charge de "Relieur ordinaire du Roy" (créée par François I ) de 1537 à 1548.
La nouvelle technique importée d'Italie et d'Espagne apparaît en France.
Il s'agit de la dorure à chaud qui consiste à placer une feuille d'or entre la plaque, ou la roulette
préalablement chauffées et le livre, afin d'incruster le métal dans les motifs dessinés.
Les motifs décoratifs complexes, à rinceaux, arabesques et candélabres multiples de style "bellifontain" (de l'École de Fontainebleau),
restent cependant restreints à l'entourage royal et aux amateurs fortunés. Ce style est appelé ainsi car c'est sur le chantier du château de Fontainebleau
(où œuvrent des artistes italiens), et par la volonté de François Ier, que s'élabore un vrai programme décoratif pour les reliures de la bibliothèque royale,
très souvent inspirées des décors de Fontainebleau.
Armure d'Henri II, d'après l’orfèvre et graveur
Étienne Delaune (1518/19-1583/95)
L'armure en fer ciselé, est ornée de scènes
de l’histoire de César et de Pompée (vers 1559,
d'après les dessins d'Etienne DELAUNE, graveur
à l'Hôtel de la Monnaie sous le règne du roi Henri II)
TP : un détail de la dossière - ci-contre
(C) RMN-GP (Musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi
Le Roi Henri II possédait deux armures de parade.
La première se trouve au Metropolitan Museum
de New York. La seconde appartient
aux collections permanentes du Musée du Louvre.
Delaune devient un spécialiste de la réduction
des décors Renaissance, à la taille d'estampes pour
diffuser l'art raffiné élaboré par le répertoire de cette
période. Rinceaux, chimères, mascarons de satyres
grimaçants, arabesques, putti, guirlandes de fruits…
Étienne Delaune : peu d'éléments connus - né vers 1518-1519 à Orléans ou Paris
(sans certitude de lieu) – décédé à Strasbourg vers 1583 (ou ailleurs entre 1583/1595)
Il fut un des ornemanistes français les plus féconds du XVI siècle : on lui attribue
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la paternité de plus de 400 estampes, généralement de petites tailles, dans le style
maniériste de l’école de Fontainebleau (le goût bellifontain). A l’usage des orfèvres,
des médailleurs ou des armuriers, ses œuvres reproduisent des modèles ornementaux
mais aussi des scènes allégoriques à destination de la tapisserie ou de l’illustration.
Il entre au service du roi Henri II en 1551 pour lequel il est employé comme orfèvre
et graveur de médailles à l'Hôtel de la Monnaie de Paris. Acquis à la Réforme,
il quitte Paris après avoir échappé au massacre de la Saint-Barthélemy en 1572 ;
il s’installe d’abord à Strasbourg puis Augsbourg où il est mentionné en 1576.
Sans nul doute il poursuit la diffusion des grotesques et des rinceaux habités
dans le goût bellifontain. De 1561 à 1583 on lui attribue près de 450 estampes.
Sa dernière estampe est un portrait d’Ambroise Paré daté de 1582.
Scènes très finement sculptées de la guerre civile romaine de 49-44 avant JC
et nombreuses créatures fantastiques issues des grotesques antiques (détail de la dossière)