Page 7 - Journal Culturel de Metz - 2015-10
P. 7
En 1655, la mise en place, à Paris, de la fabrication de "glaces de miroirs", afin de concurrencer la suprématie
de la République de Venise, connaît dans les premières années de nombreux problèmes financiers et techniques.
En 1667, Richard Lucas de Nehou, verrier en Normandie, apporte sa maîtrise de la technique du verre blanc soufflé
en manchon, nécessaire à l’obtention de glaces de qualité "façon de Venise". Désormais, les glaces sont soufflées
en Normandie et transportées brutes à Paris, où elles sont transformées avant leur commercialisation.
Ce sont ces glaces qui orneront la célèbre Galerie du château de Versailles en 1684. Une glacerie concurrente
de la Manufacture royale des glaces de Paris, la Compagnie Thévart, a obtenu en décembre 1688, par lettres patentes,
le privilège de fabrication de grandes glaces par l’exploitation d’un procédé révolutionnaire : le coulage du verre en table.
Trois ans plus tard, les deux compagnies doivent fusionner sous l’influence du pouvoir royal. Le site de Saint-Gobain,
petit village situé entre Laon et Soissons, est choisi à cet effet : éloigné des regards indiscrets, il est entouré d’un massif
forestier à même de fournir le combustible et les matières premières nécessaires aux fabrications tandis que l’Oise,
proche d’une quinzaine de kilomètres, permet de transporter les glaces jusqu’à Paris par voie d’eau et à moindre coût.
Ancien emblème de la manufacture
A compter de 1758, Pierre Delaunay-Deslandes, jeune directeur de la glacerie,
pousse le plus loin possible, la modernisation des procédés de fabrication
et de l’outil de travail, ce qui lui valut des lettres de noblesse en 1772.
Période révolutionnaire, en pleine prospérité, à Paris et à Saint-Gobain, malgré
la diplomatie déployée par les directeurs, la tension est parfois vive au sein
d’un personnel éprouvé par les disettes, l’augmentation des prix et la menace
du chômage. La manufacture de Saint-Gobain est arrêtée en 1797.
La reprise ne se manifestera que sous le Consulat, à partir de 1801.
Coulée d'une glace en présence de Pierre Delaunay-Deslandes
à Saint-Gobain vers 1780. - Sanguine (collection Saint-Gobain).
Avec la perte de son monopole, la Manufacture de l’Ancien Régime perd
des parts de marché et doit réagir. En 1830, elle devient une société anonyme.
Accompagnant cette réforme structurelle, les premiers essais de mécanisation et le développement
de la chimie industrielle font évoluer la fabrication de la glace. Saint-Gobain transforme
également son organisation commerciale pour répondre à la demande d’un marché mondial
en pleine expansion. Jeton de présence en argent de la Manufacture royale des glaces
(collection Saint-Gobain).
En 1858, Saint-Gobain fusionne avec Saint-Quirin tout en s'implantant en Allemagne. La nouvelle
"Manufacture des glaces et produits chimiques de Saint-Gobain, Chauny et Cirey" représente
le quart de la production européenne de glaces et devient un groupe à dimension internationale.
Produit de luxe au coût élevé, la glace s’adresse à un marché socialement étroit qui doit être élargi
géographiquement pour écouler la production au meilleur prix. Cette vocation internationale
est, depuis cette époque, l’un des traits les plus marquants de l’histoire de Saint-Gobain.
En 1872, Saint-Gobain fusionne avec la maison lyonnaise Perret-Olivier, premier producteur français d’acide sulfurique. Les produits chimiques utilisés
dans les compositions verrières et commercialisés pour d’autres usages représentent environ 60% du chiffre d’affaires de la Compagnie de Saint-Gobain.
Elle reste néanmoins vouée, dans l’esprit de ses dirigeants, à la fabrication des glaces. La branche chimique vise à donner une sécurité au Groupe.
Cette fusion la renforce considérablement. Le procédé Solvay de soude à l'ammoniaque oblige pourtant Saint-Gobain à trouver
de nouveaux débouchés pour son acide sulfurique: l'entreprise se lance dans la production d’engrais "superphosphates" destinés à l’agriculture.
De 1914 à 1918 - la branche verrière, la plus internationalisée,
est en partie paralysée par les destructions d’usines
et les mises sous séquestre. Le personnel masculin en âge
de combattre est mobilisé dans les armées belligérantes.
La Compagnie se recentre sur sa branche chimique
qui se met au service de l’effort de guerre de la France.
Jusqu'à nos jours : d'autres périodes vont marquer
l'évolution de l'entreprise. La guerre de 1940-45, des problèmes
financiers dans les années 1960 à 1970. La création en 1970
d'un nouveau groupe d'envergure mondiale, grâce à la fusion
de la Saint-Gobain PAM et de Pont-à-Mousson S.A.
(54-Meurthe-et-Moselle - leader mondial du tuyau en fonte).
Nationalisation en 1982, puis privatisation en 1986.
Les différentes étapes de l'élaboration moderne du verre plat
De grandes réalisations mondiales vont émailler l'évolution de l'entreprise jusqu'à nos jours : la pyramide du Louvre, la plate-forme touristique
au-dessus du Grand Canyon du Colorado (USA), l'aménagement du lycée Henri-IV, le plancher de la Tour Eiffel, etc… En 2014, acquisition de Phoenix Coating
Resources, fabriquant de la céramique pour l'aéronautique, dans sa division Matériaux Céramiques (pour la nouvelle génération de turboréacteur, LEAP).
Les 4 pôles composant les spécialisations du groupe : Distribution de matériaux, Produits pour la construction, Matériaux innovants et Conditionnement.
Le groupe possède quatre centres de recherche et développement transversaux et quatorze centres de recherche et une centaine d'unités de développement dans le monde,
regroupant 3 500 chercheurs. L'entreprise a mis en place un réseau de collaborations universitaires avec l’université Harvard, l'université d'État Lomonossov de Moscou,
l'École polytechnique, l'École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris et l’Institut indien de technologie de Madras.
Composition artistique du TP : la "glacerie" avec son entrée, son poste de "Garde Suisse", son mur d'enceinte, sa tour horloge et sa chapelle à l'arrière
Après Shanghai (Chine), São Paulo (Brésil) et Philadelphie (Etats-Unis), les pavillons "Sensations Futures" de l'exposition "Saint-Gobain 350" représentés sur le TP
et sur le TàD, vont faire escale à Paris, place de la Concorde, du 15 au 31 octobre 2015 (10h à 18h + 22h samedi et 20h dimanche - entrée gratuite).