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Timbres
Les postes et la Commune de Paris
Bertrand Lemonnier, historien, professeur honoraire de chaire supérieure.
La période 1870-1871, « l’année terrible »
selon Victor Hugo, fut l’une des plus
sombres de l’histoire contemporaine de
la France, mais aussi celle qui généra
le plus d’espérances après le désastre
absolu de la guerre franco-prussienne.
Suite au traumatisme du siège de la ca-
pitale (septembre 1870-janvier 1871),
les Parisiens retrouvaient pendant la
Commune (18 mars-28 mai 1871)
toutes les difficultés liées au blocus
postal, imposé fin mars par Versailles,
et qui les isola de l’extérieur pendant
près de deux mois. Pour résumer la
problématique en des termes simples,
Cachet de Paris-rue d’Enghien du 18 mars 1871, premier jour de la Commune, avec la Commune ne fut pas qu’une guerre
trois timbres à 10 c Cérès du type Siège qui correspondent ici à un affranchissement civile de nature militaire, politique et
pour l’étranger (la Belgique, arrivée le 20 mars).
sociale ; elle fut aussi une guerre de la
communication. Dans la tourmente, ce
furent deux administrations postales
concurrentes qui se firent face, avec
pour enjeu principal la diffusion et la
circulation de l’information.
À Paris, le responsable nommé par la
Commune, Albert Theisz, un ouvrier
bronzier affilié à la Première interna-
tionale socialiste, eut la délicate mis-
sion de commander un service postal
désorganisé et sans ressources, son
directeur, Germain Rampont-Léchin,
ayant pris la fuite le 30 mars avec une
partie du personnel et du matériel. Aidé
de Zéphirin Camélinat, délégué à la
Le 1er avril 1871, le blocus postal était déjà en place.
Toutefois un dernier fourgon fut acheminé en direction de Monnaie, Theisz retrouva des stocks
Versailles par la Commune, en espérant pouvoir, en retour, de timbres-poste et réussit en outre
récupérer du courrier destiné à Paris. Cette lettre (ici un à en faire imprimer (du type Siège ou
faire-part de décès) faisait partie de la 5e levée du Bureau
central. Elle était affranchie à 2 x 10 c du type Empire lau- Empire lauré), afin d’assurer presque
ré et oblitérée par des étoiles vides dites « échoppées », à
destination de Villefranche-de-Rouergue (cachet d’arrivée
le 5 avril). Elle fut probablement l’une des toutes dernières
missives qui sortit de Paris par des voies (à peu près)
normales et cela jusqu’au 27 mai.
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